AAA & commerce extérieur
- Point de vue énergétique -

Dans cette page

Le commerce extérieur de la France et la perte du AAA :
Le rapport sur le commerce extérieur à l'Assemblée Nationale
Les préoccupations de nos politiciens


Annexes, 3 graphiques
La facture énergétique de la France
Le poids de la facture énergétique dans la balance commerciale
Les comptes nationaux de la France




 Le commerce extérieur de la France



Ce sujet est à la mode depuis la perte de la notation AAA que Standard & Poor's donne à la France.
La faiblesse de la balance des paiements (ou plus exactement le déficit de la balance commerciale française),
serait à l'origine de ce changement de notation...

Mais saviez-vous qu'un rapport sur ce sujet a été présenté au mois d'octobre à l'Assemblée Nationale ?

* * *

Vous trouverez dans ce qui suit le rapport présenté à l'Assemblée Nationale,
ainsi que mon analyse de ce rapport.
Vous trouverez également les liens vers les données chiffrées équivalentes pour l'Allemagne,
directement sur le site de destatis (l'INSEE Allemand).

Vous noterez que les chiffres du rapport de l'Assemblée proviennent des douanes françaises,

et non de l'INSEE, beaucoup moins précise que son homologue germanique sur ce sujet !

Je vous invite à le lire, car ce rapport témoigne très bien du "mode de pensée" de nos politiciens.

 

Nos députés restent encore focalisés sur une lecture économique dépassée
(les travaux de la commission Stiglitz ne sont pas encore entrés dans les moeurs),
En chaussant d'autres lunettes, l'analyse que j'en tire est vous vous en doutez
assez différente de celle des rapporteurs de l'
Assemblée Nationale.




Assemblée nationale - 12 octobre 2011.
RAPPORT N° 3805 - ÉCONOMIE - COMMERCE EXTÉRIEUR

que vous trouverez ici
(et sinon )

A noter, vous pouvez trouver les chiffres équivalents, mais relatifs à l'Allemagne ici (ou sinon, )

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Le graphique de la page 15 du rapport récapitule les forces et faiblesses (d'après les rédacteurs du rapport),
 par secteur, des exportations françaises et leur évolution depuis 1990.




Vue sectorielle, page 17




L'analyse par secteur :
un rapport "business as usual"
qui ne prend pas en compte les contraintes énergétiques prévisibles



En ce qui concerne l'analyse par secteurs :

L'accent est par exemple mis dans le rapport sur la force du secteur aéronautique.
Or celui-ci, dans un univers énergétiquement contraint, ne va t-il pas fortement piquer du nez ?
Et la force du secteur agricole ne devrait-elle pas croître dans ce même contexte ?

Pour le secteur automobile, présenté comme en situation de faiblesse, ne faut-il pas relativiser ?
En effet, la forte contrainte énergétique va obliger les constructeurs à renouveler fortement leur gamme en construisant du plus léger, du plus simple, du plus robuste en motorisation, voire de l'hybride en fonction des progrès réalisés dans le stockage et la logistique d'approvisionnement des batteries.
La redistribution des cartes risque de favoriser ceux qui se mettront en ordre de marche les premiers... et personne ne semble avoir vraiment démarré...

Le secteur de la chimie devrait quant à lui être significativement impacté par la nouvelle donne pétrolière... et la biomasse. Il en est de même pour certains secteurs  (silicium / photovoltaique, batteries...) qui devraient apparaitre sur le devant de la scène. Là, c'est le côté positif qu'il convient certainement de relativiser.

Le secteur du vêtement, présenté comme un point faible, ne devrait-il pas significativement s'améliorer, du fait du raccourcissement prévisible de la chaine logistique privilégiant les circuits locaux. En attendant, lutter contre une main d'oeuvre éloignée et bon marché quand le
coût des transports des fabrications étrangères est négligeable  relève effectivement de la gageure.

Le secteur de l'électronique grand public, davantage tourné vers les désirs que les besoins, ne devrait-il pas quant à lui fortement souffrir d'un environnement énergétique contraint ?

Ainsi, même si le rapport souligne en page 18 que "la moitié seulement de la détérioration du solde commercial français s’explique par l’alourdissement de la facture énergétique.", il ne tire aucune conséquence sur les impacts dans
les différents secteurs eux-mêmes d'une limitation prévisible de l'accès à l'énergie.

* * *

Par ailleurs, le rapport, en page 18 et 19, parle de surdépendance des exportations envers le marché européen. Mais cette soi-disant faiblesse ne va-t-elle pas se reveler être une force dans un univers sous forte contrainte énergétique, donc vers des circuits production-consommation courts ?

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En page 20 et suivantes, le rapport souligne que la Chine est le premier déficit commercial français, et que nous sommes passés de 3,3 % d'importation en 2000, à 7,5 % en 2009.
Mais la Chine et les autres pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde), en forte croissance, ne vont-ils pas également se heurter à une contrainte énergétique forte ?
La redistribution des cartes est prévisible. La question est surtout : comment leur population va-t-elle vivre cette limitation ? De manière pacifique ? 
En face du "principe de réciprocité en matière d’accès aux marchés publics" que le rapport met en lumière, n'y aurait-il pas un autre "principe de réciprocité ? Somme-nous d'accord pour que les Chinois aient notre notre niveau de vie", et en acceptons-nous bien les conséquences ?

Ainsi, i
l va falloir certainement mieux gérer le curseur entre libre concurrence, principe de réciprocité (accès aux marchés publics), préférence nationale et protectionisme... et donc rééquilibrer le dialogue entre OMC, EU, ONU et nation. Mais les seuls critères commerciaux tiendront-ils longtemps en univers contraint ?
D'aucuns disent que le commerce est une manière pacifique de se faire la guerre. Que deviendra ce commerce si les ressources cessent d'être considérées comme infinies ?

* * *

Le rapport met l'accent, en page 23, sur le phénomène de désindustrialisation qui touche de plein fouet l’économie française, en soulignant (p24), que sur la période 1980 à 2007, l’industrie française a perdu 1 913 500 emplois (passant de 5 327 400 emplois à 3 414 000), soit une baisse de 36 % de ses effectifs.
La quasi-totalité de ces pertes d’emplois a eu lieu dans l’industrie manufacturière (96 %).


Quelle serait la parade ?

Le rapport met alors l'accent sur des mesures techniques, telle que "l'aide à la ré-industrialisation" (p 25), ou sur les tailles des entreprises, et en particulier sur le manque d'entreprises de taille moyenne, ayant plus "[de] propension à exporter vers les zones lointaines, et [de] capacité d’innovation" , autrement dit vers davantage d'exportation, sans tenir compte de la moins grande facilité à exporter si les coûts des transports croîssaient trop fortement...

En revanche, côté importations, il est un facteur sur lequel le rapport ne pipe mot : le comportement des acheteurs !

Le comportement des acheteurs : un rapport muet sur le sujet

"Achetez français" entendons nous dire. Il s'agit d'une doctrine protectioniste qui ne dit pas son nom.
Si elle était "interiorisée" dans le mental de chaque Français,  et comme ceux-ci sont considérés comme libres de choisir, alors les règles de la libre concurence seraient-elles respectées  ?
Mais les Français sont-ils prêts à acheter français ? A voir comment ils considèrent certains fleurons de leur industrie, rien n'est moins sûr !
Pourtant, comme le souligne le rapport, les 1 000 premiers exportateurs assurent 70 % du chiffre d’affaires réalisé à l’export.

Nos compatriotes ont-ils conscience qu'en achetant français, c'est leurs emplois qui sont favorisés, leurs impôts, leurs infrastructure... et leur sécurité sociale !
Mais il faut laisser tous les choix possibles... et surtout ne pas  parler des conséquences, car ce serait une atteinte à la liberté de pensée !
Et toute discussion autour de la liberté... (il est interdit d'interdire), est un tabou important.
C'est ici que nous touchons au sens des responsabilités et aux valeurs. Notre pays serait-il déficient sur ce point ?
Il semble que d'autres nation soient mieux armées sur ce point...
Le rapport est absolument muet sur tous ces aspects.

* * *
Ensuite, le rapport cite en page 30 un économiste : "le fossé se creuse entre les investissements français et allemands dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, déterminantes pour la productivité de demain., en invoquant en particulier un manque dans la  "recherche et développement (R&D)".
Cependant, le rapport ne pipe mot sur l'objet sur lequel porte la R&D...
L'amélioration de la productivité citée, en particulier, qui vise à externaliser un peu plus les fabrications à faible valeur ajoutée, c'est à dire in fine les produits de base fondamentaux pour la survie d'une société... est-elle vraiment l'objectif à viser dans un environnement à faibles ressources énergétiques ?
En tout état de cause, l'accent est mis sur la comparaison avec l'Allemagne, premier partenaire commercial de la France. Et pourtant, la force gigantesque de notre voisin germanique sur les exportations de machines outils et autres produits d'investissements (comme on le voit clairement sur le rapport allemand déjà cité en § 18.4, p469 - page 10 du document)  , repose t-elle tant que cela sur la R&D ?


Suivent ensuite une foultitude de préconisations (définition du rôle des acteurs, synergie des équipes, rôle des régions...formation à l'international, volontariat international en entreprise - VIE) qui ne semblent pas peser ou s'imposer de manière déterminante dans le rapport. ==> page 38 stop relecture


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Une solution du rapport : le soutien à l'exportation

Les entreprises exportatrices (en quasi-totalité des PME) représentent environ 3 % du nombre total des entreprises présentes en France en 2010, contre 4,4 % en 2001. Le rapport considère ce point comme une faiblesse.

Le fait qu'en chiffre d'affaire, le volume des exportations soit réalisé par un petit nombre de grandes entreprises
n'est-il pas au contraire gage d'une plus grande resistance lorsque la contrainte énergétique se fera plus impérieuse, et privilégiera
les circuit court ?
* * *

Et quand le rapport met l'accent sur la taille, n'est-ce pas plutôt le type de biens qui est davantage à prendre en considération ?
Les fleurons de l'industrie ne sont-ils pas à aller chercher du côté de la construction des infrastructures, de la production de capital, de la production de biens durables tels que les machines-outils, les moteurs et les lubrifiants de demain, les générateurs d'électricité de nouvelle génération, les matériaux de construction à faible énergie grise, les infrastructures ferrovières, fluviales et les moyens de transport ?

* * *

Ainsi, les soutiens  à l'exportation et dispositifs techniques divers  dont parle le rapport dans sa deuxième partie sont-ils dans ce contexte les priorités dont la France à besoin alors qu'
elle ne pèse que 1% de la population mondiale ?
La croissance des pays du BRIC est en effet inévitable, et il est 
normal que le poids relatif de l'ancien monde diminue en proportion. Logique donc que nos clients d’hier soient devenus nos concurrents d’aujourd'hui.

* * *

En revanche, l'essentiel me semble oublié :
Un environnement énergétique de plus en plus contraint
favorisera a terme les circuits locaux,
beaucoup plus que la simple "haute technologie à forte valeur ajoutée".

Demain devrait être l'époque de la "durabilité ajoutée",
de l' "autonomie ajoutée", ou encore de la "résilience ajoutée".

* * *

La R&D devrait donc se focaliser sur les technologies qui surferont demain sur ces besoins vitaux.
C'est à mon avis sur cet aspect qu'il faut insister, sur l'offre intérieure, et donc effectivement sur la réindustriallisation, d'ailleurs point d'alerte du rapport déjà evoqué plus haut.
Dans cette optique, l'information du public, l'instruction et la formation des acteurs de demain revètent une importance dont le rapport ne dit que quelques rares mots (p51).

* * *

Finalement, l'une des principale raison de la perte du AAA de la France
serait le déficit de notre balance commerciale ?
(AAA que la France avait depuis 1975 et qu'elle a gardé pendant toute les années de croissance du déficit !)

Si tel est le cas, l'analyse ci-dessus permet de voir que ce sujet n'est ni simple,
ni appréhendé convenablement, ni par les agences, ni par nos politiciens,

car les fondamentaux énergétiques sont tout simplement ignorés.



* * *
 


Les préoccupations énergétiques...
... de nos politiciens.


Voilà un exemple cruel qui va dévoiler les préoccupations de nos dirigeants :
il s'agit de la question du prix à la pompe de nos carburants,
celui-ci atteignant des niveaux jusque là inédits.


Faut-il baisser le prix des carburants ?


Le Monde du 16 janvier 2012
Le ministre des finances, François Baroin, a indiqué lundi
qu'il ne proposerait pas d'augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)
pour ne pas peser sur le pouvoir d'achat des Français.



Pas d'augmentation donc !
Finalement,  que faire ?

L'imagination de nos politiciens est fertile :
faire jouer la concurrence, taxer les pétroliers,
langue de bois ou démagogie, tout y passe,
même le blocage des prix ou la TIPP flottante...
(elle est bien loin la taxe carbone...)


Ainsi, le JDD du 21 janvier 2012
 relate les propos suivants de François Hollande :
Le litre de super sans plomb 95 a atteint mi-janvier un record historique à 1,56 euro,
le gazole s’établissant à 1,42 euro, proche de ses plus hauts niveaux.
François Hollande a proposé jeudi "un blocage temporaire du prix de l’essence"
et le "rétablissement de la Tipp flottante", une modulation de la taxe sur les produits pétroliers.
"Une solution du passé", a critiqué Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État au Commerce.
Selon un sondage Ifop pour Sud Ouest Dimanche,
60% des Français ne croient pas que François Hollande tiendra sa promesse.

Cela étant,
Sud Ouest, le 21/01/2012
montre que les croyances des Français reflètent un certain clivage :
Alors... est-ce une histoire de religion politique ?

Parole, parole, parole...

Et même quand un homme de la profession, sensé connaitre ce dossier,
ose parler du sujet sans ambages,
 son message "ne passe pas".


Finalement, ce sont encore les consommateurs qui commencent à être le plus réalistes...
... en changeant leurs habitudes !
ils ont le courage de faire ce que quasiment aucun politicien n'ose évoquer.


* * *

Ainsi donc, nos Politiciens seraient sourds, aveugles,
et muets sur les sujets qui fachent ?



Et bien oui !
Et rares sont ceux qui s'aventurent sur ce terrain.


Ainsi, Yves Cochet (un politicien ingénieur... une perle rare),
un des fondateurs des Verts, et ancien ministre du gouvernement Jospin,
nous tient les propos suivants, le 14 juillet 2011 :
« Pour 20% des familles les plus défavorisées, oui,
il faut un plafonnement du prix du carburant par le biais d’une aide de l’Etat.
Jusqu’à Noël : le temps qu’ils s’habituent au fait
que le carburant va devenir plus cher, ce qui est inéluctable »,
Puis viendra le temps du rationnement.  « Je sais que ça fait peur,
parce que ça n’est pas une mesure de notre monde où tout coule à flot... »
et finalement, Yves Cochet crache le morceau :
« habituer les Français à une situation de partage.
Car les ressources de la planète sont limitées »

Il est vrai que Yves Cochet est un des rares députés
à s'être intéressé à cette question.
Il est bien évident que ce genre de propos,
dans la bouche d'un politicien, est une exception.

* * *

Tocqueville ne disait-il pas que la démocratie engendrait la médiocrité ?

"À mon arrivée aux États-Unis, je fus frappé de surprise
en découvrant à quel point le mérite était commun parmi les gouvernés,
et combien il l’était peu chez les gouvernants.
C’est un fait constant que, de nos jours, aux États-Unis,
les hommes les plus remarquables sont rarement appelés aux fonctions publiques."
Alexis de Tocqueville
De la démocratie en Amérique

Sans aller jusque là, la démocratie semble en tout cas très bien s'accomoder
de
l'alternance des médiocrités,
en particulier au sein des partis politiques majoritaires que la sclérose guette.





Annexes


La facture énergétique de la France




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La part de la facture énergétique dans le commerce extérieur





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Les comptes nationaux



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