* * * Le mariage gay, un sujet de société... de plus La mariage gay fait partie de ce que l'on appelle les sujets de société, de ceux qui interpellent chacun dans ses valeurs, et son identité. Mariage de 2 femmes à Taiwan Maintenant qu'en France ce point a été tranché par le conseil constitutionnel, et que la Loi vient d'être promulguée aujourd'hui, 18 mai 2013, il est enfin possible d'en parler de manière plus apaisée ! Paradoxalement, l'article qui suit n'a pas vocation à exprimer une opinion sur ce sujet, mais à plutôt soulever les ressorts du débat, ressorts qui a mon sens ont été absent dudit débat. Mais est-ce bien surprenant ? * * * Dans l'histoire, sur le sujet du mariage, il y a quasiment toujours eu recouvrement entre 3 formes : le mariage vu sous l'angle du sacré, le mariage vu sous l'angle traditionnel, et le mariage vu sous l'angle juridique * * * Le mariage sacré et l'Amour Nous touchons ici au domaine du Symbole. Pour les Catholiques, il s'agit même d'un sacrement et est indissoluble. Quel en est l'enjeu ? L'alliance Il s'agit d'une union devant l’Être, c'est à dire engageant devant ce qu'il y a de plus élevé en l'individu, que cet être soit une divinité ou un principe moral supérieur, en nous-même. Devant l’Être, il y a échange de consentement. Chacun témoigne à l'autre son Amour, et les époux se promettent fidélité au sain de ce qui devient un nouvel être, le couple. Communion dans la Parole et dans la Chair. Union des différences irréductibles, celles des sexes. Un mariage secret, devant l’Être... L'être est celui qui sépare (c'est à dire qui distingue et maintien la différence). Qui sépare la lumière des ténèbres, et finalement qui sépare l'humain en deux « moitiés » dissymétriques. ... deux amoureux ! Couple et fruit de l'Amour. Amour abnégation jusqu'au sacrifice de son intérêt personnel. Ultime aventure humaine. Autolimitation... respect... parole... la base, y compris sans contrat... - - - Entendons bien qu'il ne s'agit pas ici d'amitié, relation privilégiée certes, affinité élective et non exclusive avec plusieurs partenaires certes, mais sans l'engagement devant l’Être qui caractérise l'Amour. * * * Le mariage traditionnel et la reconnaissance sociale Ici, il s'agit de faire connaître, voire reconnaître par des proches, la nouveauté d'un lien social. La plupart du temps, l'occasion est donnée lors d'un événement de nature communautaire, qu'il soit de nature religieuse (de religere qui signifie relier) ou simplement festive.
A cette occasion, les démonstrations d'affections pluri-univoques, entre un homme et une femme, entre deux hommes, deux femmes, entre un homme et deux femmes à l'occasion des épousailles avec la deuxième (ou songe à Jacob épousant Léa et Rachel), et pourquoi pas entre une femme et cinq hommes, comme lorsque Draupadi épouse les fils de Pandu : Yudhishthira, Bhima, Arjuna, Nakula et Sahadeva, comme nous le raconte le Mahabharata. Ainsi, ici, pas d'affaire de communion dans la chair, de sexualité donc, mais simplement de reconnaissance de liens par la société. Pourquoi pas ici de mariage gay ou de bigamie ou de polyandrie ! Ce qui est vu comme un dommage dans une culture (le mariage gay dans certain pays musulman, ou la polygamie dans le monde occidental), peut s'inverser notablement au franchissement d'une frontière. Le mariage traditionnel reflète une tradition qui évolue entre un point fixe et fondateur, et un point sans cesse mobile et en mouvement reflétant l'adaptation aux nouveaux contextes. * * * Le mariage juridique – un contrat comme un autre Une relation contractuelle peut lier plusieurs parties. Elle est par nature multipolaire. Dans le mariage, il se trouve que n ne vaut pas toujours 2 (sauf en occident pour le moment). Ici se jouent par exemple le soutien matériel réciproque et ses limites, le partage des responsabilités, la transmission des biens. Absolument tout est possible. Voilà notre pôle changeant ! Le genre des contractant est ou non l'affaire du contrat. Le nombre de contractants également. Tout ce que permet la loi du moment est contractualisable. Le mariage civil instaure un contrat par défaut, actuellement, le régime de la communauté réduite aux acquets * * * Et après le mariage gay ? En fait, le mariage gay est une évolution de plus du contexte, qui vient un peu plus éloigner le pôle fixe occidental du sacré et le pôle mobile du contrat, pôles entre lesquels évolue le compromis traditionnel, en attendant que le temps face si possible émerger un consensus. Ainsi, rien n’empêche maintenant comme avant qu'une minorité demande la légalisation de la bigamie ou de la polyandrie. Tout n'est qu'affaire de politique, d'opportunité... et d'acceptation par la communauté. Que la communauté change, et que la loi change, et le mariage évoluera. Des évolutions sont-elle souhaitables ? Est-ce vraiment une bonne question ? En fin de compte, ce qui me semble le plus important est dans la manière. Ce type de sujet porteur de sens est lourd pour l'avenir. Il a du poids, de l'importance. Il montre la direction de la société vers laquelle nous souhaitons aller. Pour ces sujets lourd, il est sain d'éviter de fracturer la société, et donc de prendre le temps de faire émerger un compromis minimal, préalable à un consensus ultérieur. Il semblerait sain que les décisions soient précédées d'un débat significatif sur les impacts, les conséquences... La porte ouverte à la bigamie, la pérennité d'un couple sans fruit sexuel, ou au contraire l'impact sur l'adoption, la gestation pour autrui, le prêt de son corps, voire de sa vente. Tout peut-il être contractualisé ? Est-il souhaitable dans l'avenir que la différence des sexes soit ainsi gommée en occident ? Ou finalement n'est-ce pas une convergence mondiale vers une contractualisation de tous les possibles ? Toutes les cultures se valent-elles ? Sur un autre plan, peut-on par exemple faire converger la Loi du talion et celle du pardon ? La reconnaissance de la différence n'est-elle pas le meilleurs rempart contre le fascisme (penser à Nuremberg) ? Est-il sain ou malsain qu'un enfant ne puisse recevoir d'héritage d'un couple homosexuel ? La société accepte-telle qu'une telle décision soit prise à la majorité simple (et non à la majorité des 2/3 par exemple). Quel mot est-il bon de choisir ? Mariage ? PACS ? Contrat d'union libre ou légalisée ? Vers qui se tourner pour demander un avis ? Qu'en pensent les communautés religieuses et pourquoi, elles qui sont censées être les dépositaires de connaissances symboliques ? Les maîtrisent-elles véritablement ou ne font-elles que de la représentation ? Sont-elles d'accord entre-elles ? Sur tout ? Pourquoi ? Je n'ai vu et entendu dans l'approche de cette question ni le recul du doute, ni une saine confiance dans les débats. Ni Science, ni Foi ne me semble avoir eu droit de cité. Voilà bien des questions qui n'ont pas été évoquées, chacun restant finalement engoncé dans ses croyances. La foule s'est épanchée dans la rue, foule qui comme chacun sait n'a pas la hauteur de vue que nous pourrions attendre d'un tel débat. Que retenir de tout cela ? Aujourd'hui et partout dans le monde, la crise monte. Les lecteurs de ce site en connaissent les racines. Cette épreuve ne pourra être surmontée qu'au prix d'une union nationale minimale, voire européenne ou mondiale, et d'une implication minimale des politiques. Dans ce contexte, était-il nécessaire de mettre sur la table un sujet qui s'est révélé très clivant, comme cela était prévisible ? Même si ce débat m'aura permis de méditer et de réaliser cette page, mon avis personnel est qu'il y avait mieux à faire.... * * * Un peu de fond maintenant !
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