Nicolas Sarkozy : discours du vendredi 25 novembre 2011
à l'usine d'enrichissement d'uranium d'Areva à Pierrelatte (Drôme)
Ce discours donne de nombreuses indications
sur un sujet qui devrait jouer un rôle considérable dans la campagne présidentielle de 2012.
Il ne s'agit pas que du nucléaire, mais de la politique énergétique de la France
Ce discours est disponible sur le site de l'Elysée, ici
Contexte du discours
Le discours de Nicolas Sarkozy se positionne dans un certain contexte
Contexte temporel
La France a en 2011 la présidence du G8 et du G20
Contexte électoral
L'accord PS - EELV sur la sortie du Nucléaire a été passé quelques jours plus tôt.
Le "Candidat Sarkozy" ne s'est pas (encore) déclaré officiellement
Contexte économique
La France a une croissance quasi nulle
La France est très endettée et risque de perdre son AAA, l'Euro est menacé
Un plan de rigueur est annoncé, le bâtiment annonce des licenciements
Contexte international proche
Son discours s'inscrit dans l'après Fukushima
(et la
crainte d'un accident nucléaire industriel qui l'accompagne)
et dans un contexte économique tendu : la Grèce,
l'Italie, et d'autres vivent des moments
difficiles
(et donc dans l'inquiétude pour le niveau de vie et l'emploi)
Contexte international futur incertain
Un climat fortement déréglé en 2010, année d'un record de chaleur
et d'émission de gaz à effet de serre, avec une année 2011 qui s'annonce pire.
Un environnement international difficile (Egypte, Syrie...),
avec la menace d'un conflit mêlant l'Iran et Israel.
Le détroit d'Ormuz (la route du pétrole) n'est pas loin,
et une absence de conflit,
ou au contraire un début de conflit sont des options très porteuses de sens.
Le choix du moment également (en hiver ou au printemps)
Contexte global non exprimé
Le
Pic oil, les contrainte sur le gaz, le charbon, etc... tous
éléments avec lesquels vous êtes familiers sur ce
site.
Autrement dit : l'approche vraisemblable d'un MUR energétique
|
Plan du discours
Hommage à Georges BESSE
Le Nucléaire, un consensus vieux de 65 ans,est aujourd'hui remis en cause.
Le Nucléaire, ni de gauche, ni de droite,mais dans l'intérêt supérieur de la France
Un trésor d'intelligence, des emplois,et un pouvoir d'achat menacés
L'indépendance énergétique de la France
Les énergies renouvelables,complément du nucléaire, oui,en substitution du nucléaire, non
l'intermitance des renouvelables,et les conséquences économiques
Les efforts pour les renouvelables en France
24/58, une proposition partielle, donc incohérente
La sureté nucléaire après Fukushima,auditer, suivre les conclusions de l'ASN
(Autorité de Sureté Nucléaire) - L'excellence de Areva et EDF - Poursuivre l'inovation Nucléaire
CONCLUSION
Ne pas retourner au Moyen Age, ni à l'époque de la bougie
"Dans quelles usines irez-vous travailler ?", "Quels seront les emplois pour vos enfants ?"
"J'ai hérité des justes décisions de mes
prédécesseurs, je n'ai pas l'intention de brader
l'héritage"
|
Contenu du discours
Nicolas Sarkozy a tenu un certain nombre de propos que j'analyse ci-dessous :
1) Nicolas Sarkozy dit :
"La production d'électricité en France est faiblement émettrice de CO2.
Savez-vous que l'économie française aujourd'hui émet, pour la production d'électricité,
10 fois moins de CO2 dans l'atmosphère que l'Allemagne,
où l'électricité provient à 43% du charbon
?"
Voilà qui semble tout à fait surprenant : qu'en est-il réellement ?
Voir l'analyse complète en bas de page ici.
Le facteur 10 est peut-être un peu élevé..., mais Nicolas Sarkozy ne délire pas,
contrairement par exemple à ce que laisse à entendre Corine Lepage, ici
Un green pour Sarkozy
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2) Nicolas Sarkozy dit
que les coûts photovoltaïques sont de 5 à 10
fois plus élevés que pour le nucléaire. Et que
même s'ils sont divisés par 2, le coût de
substitution reste prohibitif.
Mes calculs :
Les coûts de production sont assez difficiles à obtenir. Je vous les retransmet ...
Le site le plus complet que j'ai vu sur le sujet est ici.
Source d'énergie |
g CO2/ Kwh |
Coût de production
Retenu c€/KWh |
Combustible % -
c€/KWh |
Invest : % - €/kW installé |
Facteur de Charge h/an |
Charbon |
1000 |
2.5 |
40% - 2.5 |
40% - 1500 |
7000 |
Gaz |
400 |
3.5 |
70% - 3.5 |
20% - 500 |
5000 |
Pétrole |
900 |
2.5 |
70% - 2.5
(1 à 4) |
20% - 500 |
5000 |
Nucléaire |
6 |
3.5 |
20% - 0.3
(0.2 à 0.5) |
60% - 3000 |
6500 |
Petite Hydroélectrique |
4 |
4.5 |
0 |
2000 |
3500 |
Grande Hydroélectrique |
4 |
3.5 |
0 |
1500 |
3000 |
Éolien onshore |
3 |
6 |
0 |
1500 |
2000 |
Éolien offshore |
3 |
8 |
0 |
2500 |
2000 |
Photovoltaïque |
20 |
20...100 |
0 |
5000 |
1500 |
Solaire thermique |
- |
8 |
0 |
- |
- |
Bois |
- |
4 |
- |
- |
- |
Biomasse conventionnelle |
- |
7 |
- |
- |
- |
Géothermie |
- |
8 |
0 |
1000 |
- |
Hydraulien (courants) |
- |
10 |
0 |
- |
- |
Marémotrice |
- |
12 |
0 |
- |
- |
Houlomotrice (vagues) |
- |
20 |
0 |
- |
- |
Piles à combustibles PAFC acide phosphorique |
- |
- |
0 |
- |
- |
En résumé, pour le coût, toutes
les sources d'énergie sont dans la fourchette 2.5 à 10 c€/KWh
... exception faite du photovoltaïque, complètement hors jeu à
plus de 20 c€/KWh, et l'énergie des vagues.
Grosso modo, l'ordre est le suivant, par coût croissant :
charbon, gaz, nucléaire, hydroélectricité, éolien onshore, éolien offshore, .... le photovoltaïque est bon dernier
Ces chiffres sont parfois sujet à de fortes variations. En
fonction du pays qui construit, ou explore, le coût peut
être assez différent.
Cela étant, dans tous les chiffrages rencontrés, le
photovoltaïque est effectivement très cher. Et comme vous
le savez, si les panneaux viennent de Chine, ils sont
fabriqués avec de l'électricité
provenant avant tout... du
charbon : bonjour le CO2 !
Le facteur de 5 à 10 que donne Nicolas Sarkozy entre nucléaire et photovoltaïque est du bon ordre de grandeur.
Un green pour Sarkozy
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3) Nicolas Sarkozy dit que les coûts éoliens sont 2 fois plus élevés
que pour le nucléaire.
Mes calculs :
Là encore, c'est juste ! 3.5 contre 6. (voir tableau ci-dessus).
Un green pour Sarkozy
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4) Nicolas Sarkozy dit que 30 000 éoliennes sont nécessaires au remplacement de 24 réacteurs nucléaires
Mes calculs :
Un réacteur nucléaire, c'est grosso modo 1.5 GW de puissance, et ça tourne 6000 heure/an mini
Une Eolienne, c'est environ 3 MW de puissance (en onshore), et ça tourne 2000 heure/an.
Une centrale produit 6000x1.5 GWh, et autant que N éoliennes produisant 2000xNx3 MWh
Une centrale, c'est donc N = 6000/2000 x 1.5/3 x 1000 = 1500 éoliennes
24 réacteurs, c'est donc 24x1500 = 36000 éoliennes
Avec des éoliennes un peu plus grosses et mieux ventées, on arrive à 30000 éoliennes.
C'est le bon ordre de grandeur (souvent, on prend 1000 éoliennes pour 1 réacteur nucléaire)
Attention ! L'éolien ne fonctionnant pas 100% du temps, mais au
grand maximum à 20-25% du temps (quand il y a du vent), il
plafonnera donc à 25% de la production électrique !
Ainsi, l'éolien ne pourra JAMAIS remplacer le nucléaire.
Tout au plus permettra-t-il d'éviter de l'utiliser, à
concurrence de 20-25 % de la production nationale !
Voilà un élément factuel qui semble inconnu de certains écologistes.
Et
c'est ce qui explique aussi que les norvégiens et les suédois
(ENR à 8.8%), richement dotés en sites venteux, ne
poussent pas l'éolien. ils utilisent leur
hydroélectricité (99% chez les norvégiens... qui exportent leur pétrole et leur gaz) ,
leur nucléaire (42% chez les suédois !) et
l'éolien danois (qui brade son excédent
d'éolien quand il y a trop beaucoup de vent).
Un green pour Sarkozy
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5) Nicolas Sarkozy dit que l'intermittence de l'Eolien nécessite la construction de centrale à gaz !
Mes calculs :
Une Eolienne, ça tourne 2000 heure/an... et de manière imprévisible.
On appelle l'éolien une énergie fatale, car quand le vent
tombe, il faut un autre type d'énergie pour prendre le relais,
avec une puissance à parité.
Ainsi, l'éolien n'évite pas la construction d'une
centrale au gaz, au charbon, hydroélectrique ou
nucléaire... il évite juste de l'utiliser quand le vent
souffle !
Comme l'Allemagne abandonne le nucléaire, il lui faudra donc
nécessairement adosser à son éolien
des centrales à charbon (il reste à l'Allemagne et
à la Pologne un peu de charbon), ou à gaz (il y en a chez
le géant Russe d'à côté). Imparable !
Un green pour Sarkozy
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6) Nicolas Sarkozy dit
qu'il a mis d'abord l'accent sur l'efficacité
énergétique : "l'énergie la moins chère est
celle que l'on ne consomme pas".
Mes calculs :
Parfaitement juste ! L'isolation thermique est la première démarche à effectuer.
Cet élément est bien connu des lecteurs de ce site (Bilan thermique, habitation passive...)
Domage qu'il n'insite pas ! Un couplet sur la taxe carbone, et cela aurait été parfait !
Un green pour Sarkozy
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7) Nicolas Sarkozy souhaite qu'en 2020, la consommation d'énergie des français soit à 23% de l'ENR.
Comme cela est montré en 8°, Nicolas Sarkozy inclus
certainement l'hydroélectrique dans son calcul et ne tient
compte que de l'électrique (*). Et donc pour lui, ce taux est à 13% en 2011. Il passe donc de 13 à 23%. Soit 10% de 550 TWh en plus, donc 55 TWh.
Nous savons déjà qu'il prévoit 10 TWh en eolien Offshore - voir point 10°.
Reste 45 TWh a trouver !
Pour donner un ordre d'idée, 45 TWh, c'est la production
d'éolien onshore de l'allemagne en 2011. C'est à dire la
moitié de la Corse en Eolien. C'est faisable, puisque les
Allemands l'on déjà fait !
Prospective :
Si nous en faisions autant, nous aurions effectivement : 65+10+45=120
TWh électrique d'ENR+hydroélectrique, sur une
production globale qui serait alors de 550+55=605, soit 20%
d'électricité ENR+ hydro.
Avec ces 605 TWh, contre 490 aujourd'hui, soit près de 140
Mtep, contre 110 Mtep aujourd'hui, nous pourrions baisser de 30 Mtep
nos importations fossiles (de 185 Mtep aujourd'hui), et augmenter notre
indépendance énergétique (passer de 110/295 = 37%,
à 140/295 à 47% ) et donc aussi diminuer notre dette...
Avec en plus l'isolation vue au point 6, ce taux serait encore amélioré... on peut toujours rêver.
Cela dit, Nicolas Sarkozy parle ici de consommation... et non de
production., et est complètement silencieux sur l'onshore. C'est trop flou.
23% : si c'était vrai, ce serait bien...
Pas de couleur sur ce sujet
* Car sinon, en global nous serions déjà à 19% ;
ENR elec + non elec + hydro = (97+162)/1361 = 19%. |
8) Nicolas Sarkozy dit que la capacité ENR (ENergie Renouvelable) est passée de 9.5% en 2005, à 13% en 2011.
C'est beaucoup ? Qu'en est-il ?
Mes calculs :
ENR :
- ENR non électrique : 20/185 Mtep, soit 10,8% ; 20 Mtep => eq 87 TWh/811 TWh
- ENR électrique : 10/550 TWh, soit 2%
- ENR primaire (donc le total) : (87+10)/1361= 7.1 % de ENR.. c'est beaucoup moins que 13% !
Ou va t-il chercher tant d'ENR ?
Si on prend l'hydroélectrique (c'est à dire les barrages), soit 65 TWh,
on arrive à 162/1361, soit 11.9% de notre énergie primaire (les barrages ne produisent que de l'électrique)
La somme globale en électrique, non hydroélectrique + hydroélélectrique donne :
(10+65)/550 = 13.6% de notre énergie primaire
Donc, Nicolas Sarkozy inclut l'énergie hydroélectrique dans ses calculs.
Autant dire que le non hydroélectrique ne pèse pas bien lourd !
Un Yellow pour Sarkozy
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9) Nicolas Sarkozy dit que la capacité éoliennefrançaise a été multiplié par 8 entre 2005 et 2011
Il n'y avait pas grand chose, et maintenant, il y a un petit quelque chose :
Un mini-green pour Sarkozy
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10) Nicolas Sarkozy veut 6 GW eolien offshore en 2020
Mes
calculs :
Ces 6 GW représentent 6 x 365 x 24 x 20% = 10.5 TWh,
c'est aussi : 6/0.7 = 8.6
projets comme la mer des 2 côtes (le Tréport).
Par comparaison,
l'Allemagne souhaite 25 GW pour 2030 (contre 0.18 GW en 2010), donc 25 GW en
20
ans, contre 6 GW en 10 ans. L'Allemagne "parait" bien plus
ambitueuse... Mais il est vrai que l'Allemagne souhaite un zéro
nucléaire.
Un mini-green pour Sarkozy
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11) Nicolas Sarkozy dit
que la capacité photovoltaique est passé de 2 MW à
1700 MW => soit 1.7 GW
Cela vous parle ?
Ces 1.7 GW
représentent 1.7 x 365 x 24 x 15% = 2230 GWh, soit 2.2 TWh, ce
qui est minuscule (0.4% de l'électricité
française). 511 MW étaient déjà installé en 2010, et la production était de 212 GWh en 2009.
C'était inexistant, et cela a progressé de manière
exponentielle vers un petit quelque chose qui commence à se
voir. Mais comme il le dit lui-même, c'est prohibitif. Qui plus
est, cela vient de Chine (produit avec de l'électricité
carbonnée...). Cela étant, c'est une énergie d'avenir
dont les coûts de production sont à faire baisser. Il faut
persévérer.
Un mini-green pour Sarkozy
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En résumé
Un discours cohérent sur le fond. Les chiffres donnés sont souvent justes et en tout cas du bon ordre de grandeur.
Un
discours très pro-nucléaire, mettant en évidence
la continuité avec les politiques antérieures ,
l'indépendance énergétique.
Plus globalement, un discours
énergétique et économique réaliste.
Les ambitions sur les ENR existent, mais de manière très
modérée (a contrario de l'Allemagne)
Une parole est particulièrement forte : "Au
demeurant, ceux qui promettent le remplacement du nucléaire par
des énergies renouvelables, - je vais employer un mot fort -,
mentent, ils mentent aux Français.". Et effectivement, le
parti qui effectuerait ce genre de promesse serait en fâcheuse
posture (voir pt n°4) et personne ne s'y est encore aventuré (voir ici le pot aux roses). A suivre.
Ma position :
Le discours est cohérent sur le nucléaire, selon moi
incontournable : la seule position réaliste quand viendra le mur
énergétique (Il ne faut pas se dévêtir
quand vient l'hiver !)
L'isolation thermique est citée, mais réduite à la
portion congrue. Le solaire
thermique est absent du tableau, idem pour la geothermie, le bois, la biomasse...
Dommage.
Pas assez
ambitieux sur l'Eolien (il n'y a que les 10 TWh en Offshore, soit 2% de
la production électrique... en 10 ans ! Rien n'est dit sur
l'Onshore. C'est trop peu !
Peu d'insistance sur la complémentarité Eolien - Nucléaire... à suivre.
PS : Pour augmenter votre culture sur ces sujets, vous pouvez aller fair un tour ici
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